Tiens il pleut

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Tiens il pleut

samedi 27 mai 2023

 


Cette page concerne l'année 1864 du calendrier grégorien.

Événements[modifier | modifier le code]

Visite de l’empereur Maximilien et de l’impératrice Charlotte du Mexique à l’empereur Napoléon III, palais des Tuileries (France), le 5 mars 1864. L’Illustration, 12 mars 1864


Repaire historique de l'époque , naissance de Magloire en 1864

vendredi 26 mai 2023

 Jeudi 25 Mai 2023



Dédicace 


A mes très chers petits enfants, Jules et Zoé, ainsi qu'à leur cousins et cousines peut être à-venir, et vos enfants, si d'aventure vous prolongez cette histoire de famille dans le 21 ième siècle.

Mes recherches remontent au dernier quart du 19ième siècle, elles ont fait appel à mes souvenirs d'enfance, des anecdotes glanées ça et là dans mon cercle familial, mon intérêt et ma curiosité pour le passé et aussi un peu de mon imagination ...

J'adresse mes plus vifs remerciements pour les recherches faites sur Magloire Coinon dans les archives départementales par Nicolas Fournier , responsable des recherches , attaché de conservation , archives de Dunkerque , centre de la mémoire urbaine de l'agglomération .

Ainsi qu' à mon fils Yohan qui m'a guidé pour parcourir les archives , s'est tenu à mes côtés , sans cesser de m'encourager.

     Puissent ils parvenir jusqu'à vous, chair, visage, chaleur, vie caractère, traces de leur passage, ils

                                               sont passés , nous passerons .

  


                                               Le fils du maréchal Ferrand .

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Je m'appelle Magloire Coinon, je suis votre arrière arrière arrière arrière grand père maternel.

Je suis né à Carly, un bourg aux alentours de Calais, tout au nord de la France, le 31 juillet 1864 à 20h, au plein cœur de l'été  dans la maison de mes parents .

Mon père, Victor Coinon est maréchal-ferrant, un métier vieux de plus de deux mille ans. Il ferre les pieds des chevaux, des bovins, des équidés, de tout ce qui trotte, galope et parcourt routes, chemins, champs et tire chariot, charrette et tout ce qui est pourvu de roues .

Un métier important car indispensable pour tous les déplacements, les travaux des champs, les communications.

Victor travaille beaucoup, il connait bien son affaire. C'est un homme solide, de petite taille, dur à la tâche. Il connait bien les chevaux, quelquefois il les soigne. Chacun dans le village le connait et le reconnait comme un bon artisan.

Née à Calais, ma mère s'appelle Anastasie Méquignon de son nom de jeune fille. Je suis son premier né. 

Je suis le fils aîné du maréchal Ferrand de Carly.

Femme au foyer, elle travaille beaucoup également : elle s'occupe de la maison, ménage, repas, potager... des quelques poules et lapins derrière la maison et s'occupe aussi de la comptabilité de mon père.

Mais ce jour là, elle veille sur mon sommeil et s'endort épuisée après ma naissance pendant qu'une matrone lave les linges dans le grand bac sur le carreau de la cuisine.

Un peu de repos... La soirée est douce, le soleil doucement poursuit sa course. Mon père ferme l'atelier et me contemple silencieusement. Il laisse Anastasie dormir car demain elle se relève, se remet à l'ouvrage. Ménage, repas, lessive, frotter, astiquer,  les animaux à nourrir, compter sur les registres, pétrir le pain, aller au four du boulanger, le faire cuire et bien sûr les tétées . La journée sera chargée et moi je suis là au milieu de tout ça. Dès que j'ai faim, je deviens tout rouge à force de brailler  jusqu'à ce que ma mère m'attrape et me donne le sein. 

Les années passent, mon frère Alfred est venu agrandir le cercle de la famille.

Je grandis, je ressemble à mon père, petit, brun. Mon temps est rythmé entre la maison, l'école, les moments que je passe à observer mon père travailler à l'atelier. Il parle aux chevaux, leur façonne des fers, les pose sans les blesser. Mon horizon : la grande route où cahotent  les chariots, les carrioles, la malle poste, les tombereaux chargés de terre, les vendeurs de poissons, les charrettes des paysans grosses de foin l'été, la grande route qui mène à la grande ville "Dunkerque ". Tout ce qui roule, va et vient, passe devant la maison. Mon père m'apprend les rudiments du métier et ça me plaît : le nom des outils, comment les utiliser , approcher les chevaux, après la soupe du soir, ranger et fermer l'atelier.

J'apprends.

Le 22 Décembre 1874, j'ai 10 ans, j'attends Noël avec impatience. Mon père ferre le jeune cheval du fils du voisin qui a perdu son fer. Pas d'école. Je traîne à l'atelier, le cheval est nerveux, agité. Mon père lui parle, essaie de le rassurer. Il lève sa patte pour lui poser le fer, le cheval se cabre, une ruade arrière, mon père est touché à la tête, s'écroule... et meurt quelques heures plus tard sans avoir repris connaissance .

Triste Noël, les voisins sont venus, repartis. La maison est silencieuse. Demain, mes grands parents viennent pour l'enterrement. 

Je décide à cet instant précis que je ne deviendrai pas maréchal-ferrant. Je serai maître charron, le charron Magloire Coinon.

Ma mère fait des ménages à domicile, lave le linge, tire l'aiguille et fait office de couturière. La vie est dure. Je suis un bon élève, j'apprends vite et j'aime apprendre. J'ai quatorze ans, je quitte l'école après avoir passé mon certificat d'études et l'avoir obtenu avec la mention très bien : je suis fier et mon maître l'est aussi. Il veut que je poursuive les études mais notre situation financière est fragile, je dois apprendre un métier. Ma mère a vendu tous les outils de l'atelier mais le pécule est maigre, elle doit sans cesse compter.

Je trouve une place d'apprenti chez le charron du village d'à côté qui me propose de me loger et me nourrir. Je suis décidé. Je quitte la maison. J'y reviens quand mon maître charron me donne un dimanche de temps en temps. Je fais le chemin à pied, heureux de retrouver ma mère et mon frère. J'apprends à travailler le bois de frêne, le meilleur pour fabriquer les roues. Je commence par les roues de brouettes. Il faut courber le fer au feu pour le cerclage des roues, maîtriser d'un bout à l'autre son ouvrage.

Les mois passent. Je fais des progrès, et à force d'apprentissage, je deviens maître charron à mon tour et songe à m'installer à Dunkerque dans mon atelier à mon propre compte. Là-bas il y a de l'ouvrage. Si je travaille fort, sûr que tout ira bien.

J'arrive à Dunkerque. Mon frère Albert me suit à quelques mois près. Il s'engage sur le port comme ouvrier. Je trouve un atelier à louer, j'achète les outils, je m'installe, je me fais de la clientèle et bientôt ma réputation de sérieux, d'honnêteté, franchit les limites du quartier.

Albert rencontre Adeline. Ils se fréquentent assidûment, le mariage est fixé. Adeline n'a pas de profession. Bientôt la naissance de leur premier enfant, Alice. Nous fêtons cela dignement, bière et tarte au sucre que ma mère apporte pour l'heureux évènement.

Je m'approvisionne en bois à la scierie de Monsieur Duval, ainsi qu'en fer dans son usine. J'y vais régulièrement, c'est ainsi que je remarque Marie-Gabrielle sa fille unique. Je lui fais la cour discrètement et cela ne semble pas lui déplaire. Je suis un fidèle client de son père et j'ai bonne réputation, une solide affaire. La charronnerie s'est agrandie, j'ai deux apprentis que je forme et l'ouvrage ne manque pas.

Nous nous marions Marie-Gabrielle et moi le 17 août 1891. J'ai 27 ans.

J'espère et j'attends avec impatience notre premier enfant. Mon frère a eu son deuxième, Albert, et je compte bien avoir une grande famille . 

Les années passent et nous n'avons pas d'enfants. Je travaille beaucoup et délaisse un peu puis beaucoup Marie-Gabrielle. Je rentre de plus en plus tard et la vie est fade, pas de rires d'enfants, la maison est triste. Marie-Gabrielle et moi aussi . Notre mariage s'effrite, Marie-Gabrielle passe le clair de son temps chez son père, elle prend part dans la gestion de ses affaires, et cette place devient au fil du temps  d'importance. S'affirmant comme son bras droit, elle déserte la maison de plus en plus souvent.

Un soir, Marie-Gabrielle me dit qu'elle veut engager une journalière pour l'entretien de la maison, son absence réclame l'embauche d'une bonne. Les jours suivants, des jeunes filles défilent à la maison dans l'espoir d'être engagées. Son choix est arrêté, une jeune fille de vingt ans, Louise, dont c'est la première place à Dunkerque.

Elle vient chaque matin jusqu'au soir, brique, range, lave le linge, fait les courses, tient notre intérieur, et bientôt investit la cuisine.

Louise a vingt ans, un visage aimable, gaie, son filet de voix envahit la maison. je rentre plus tôt dorénavant, et je réapprends à sourire comme avant, mieux qu'avant.

Je ne suis pas ce qu'on peut appeler un bel homme, je compense par mon allure et ma tenue vestimentaire, toujours un chapeau, un manteau de belle facture, tiré à quatre épingles pour mes sorties en ville. Je suis élégant.

Louise aussi porte chapeau, un chapeau bleu assorti à la couleur de ses yeux, et elle le porte bien. Chaque matin elle le retire et se met à l'ouvrage, et, le soir venu, le remet pour retrouver sa chambre en ville.

Un lien invisible bientôt s'établit entre nous, j'attends son arrivée avant d'aller travailler à l'atelier et rentre plus tôt le soir. Moi, immobile sur le pas de la porte,  je l'aperçois descendre la rue, tourner le coin de celle-ci d'un pas léger.

Je me surprends à imaginer descendre la rue à son bras, aller sur la jetée manger un cornet de frites au vinaigre et boire un bock de bière ensemble !

Nos liens s'affirment, et le jour où Louise m'apprend qu'elle attend notre enfant, une grande joie m'envahit. Je dois parler à Marie-Gabrielle, demander le divorce.

Le divorce est prononcé le 12 décembre 1898 après sept années de mariage.

Petit scandale dans le cercle étroit de nos connaissances, un divorce ! Une petite d'on ne sait où ! Le remariage du maître charron avec la bonne et enceinte avec ça ! Peu importe rien n'y fait, de ce cercle étriqué et courroucé, rien ne nous atteint, nous sommes heureux. Nous nous marions le 23 mai 1898 à Dunkerque, au printemps, peu avant la naissance de notre enfant.

Je loue une petite villa en bord de mer à Malo les Bains, quelques semaines avant la naissance, non loin des parents de Louise, Benoît et Joséphine. Louise se repose et profite du bon air de la mer, nous faisons de longues promenades sur la plage au grand vent.

 C'est une fille ! Alphonsine naît le 20 juin 1898 à Malo les Bains. Louise tient beaucoup à  lui donner son nom de famille, une victoire sur le destin ... Son nom  sera Debrock, Alphonsine Debrock, rien à faire pour lui faire changer d'avis. Je ne m'oppose pas à la décision de Louise. Alphonsine est déclarée à l'état civil sous le nom de Debrock.

Viendront trois autres filles, toutes nées à Dunkerque : Marie- Louise Anastasie le 24 juin 1899,  Yvonne Joséphine le 11 avril 1901 et Marguerite le 23 mars 1904. Elles porteront toutes mon nom de famille.

Noces de printemps, quatre filles de printemps, je suis toujours maître charron.

Mon frère a eu son troisième enfant, une fille, Adelina .

Nous sommes en 1925, nous vivons toujours à Dunkerque, 17 rue St Bernard en basse ville. J'ai soixante deux ans, je continue à exercer mon métier de charron, mais j'ai pris de l'âge et fatigue un peu plus vite qu'auparavant.

Nos filles ont bien grandi.  Alphonsine a quitté la maison depuis longtemps maintenant, devenue raccommodeuse en tulle, elle s'est mariée avec Albert Cocquelet, tulliste à Calais. Une famille tulliste de père en fils, son père Henri l'était aussi.


Ils ont trois enfants, je suis grand-père. L'aîné, Albert, est une forte tête, Yvette la seconde est vive mais sage et rêveuse, et la troisième la suit de près, Denise plus difficile à élever ; elle remplit la maison de ses protestations enfantines, indocile aux ordres, elle n'en fait qu'à sa tête! 

Ils iront tous trois à l'école et nous sommes fiers de nos petits-enfants.

Alphonsine a quitté sa place à l'atelier de tulle pour élever ses enfants, sans doute il en viendra d'autres.

Je délègue une part du travail à mon ancien apprenti devenu maître charron, mon égal dans le métier, et songe à me rendre utile, servir les citoyens de ma ville. Après la grande guerre, les besoins sont encore immenses, pauvreté, misère, réorganiser tous les circuits très perturbés de la ville. Du renouveau, de la vie, voilà ce qui doit advenir.

Louise m'encourage à suivre cette voie, elle a subi les privations et la rigueur de sa condition sociale, de sa condition de femme, ainsi que les pénuries et la misère de l'après guerre. Elle sait et espère que les choses vont changer, s'améliorer avec le temps.

 En mai 1925, je suis inscris sur la liste électorale de Monsieur Charles Valentin, avocat de profession, candidat officiel de la SFIO pour les élections de 1925.

Le 10 mai 1925, à la tête du cartel des gauches, il remporte les municipales et devient maire de Dunkerque.

 Monsieur le maire me propose un mandat de conseiller municipal. Proposé au conseil, le mandat est accepté.

Je suis nommé à la commission des finances, à la commission des travaux ainsi que délégué à l'office public des Habitations à Bon Marché : HBM.

Désirant me consacrer à mon mandat de conseiller municipal, je vends la charronnerie à mon associé, et pour un prix honnête, l'affaire est conclue. Une autre page de ma vie se tourne, une autre vie commence.

Dégagé de mes obligations  professionnelles, jouissant des revenus de la vente de la charronnerie, je vais m'investir pour le bien de tous mes concitoyens. Mais surtout les nécessiteux, tous ceux qui auront besoin d'aide et aspirent à la justice, à l' honnêteté, à la dignité. L'amélioration des conditions de travail des ouvriers, l'aspiration à s'élever dans la société, l'école pour toutes et tous, un jour de repos par semaine, un salaire juste.   

Lourde et rude tâche que je vais essayer d'accomplir au mieux. Un chemin long et semé d'embûches, auquel s'opposeront toutes les forces de ceux qui n'entendent pas céder ce qu'ils considèrent comme un dû, des privilèges acquis depuis des siècles sur lesquels ils sont assis de père en fils.

Il y aura de grands combats, des petites luttes pied à pied, des renoncements, des désillusions, des échecs, mais cela vaut la peine d'essayer, de s'y atteler avec constance.