Tiens il pleut

Tiens il pleut
Tiens il pleut

samedi 12 mai 2012

J'habite une petite ville sans grand attrait,
j'habite le passage des trains,
un peu fauchée, un peu rêveuse sur le rail,
je vis avec un poisson algonquin, qui connaît l'heure
des horaires des chemins de fer,
mais nous ne prenons jamais le train
le train nous en avons un autre , le nôtre,
une confiance jamais démentie ,
nous connaissons  l'heure des exils et celle du nez en l'air , le grand déséquilibre ,
la rolls-royce ici est un corbillard,
elle passe entre les mains et les bras de gominés blonds hâbleurs et grossiers,
mais vous ne pouvez savoir , vous savez ,
une fleur au coeur, nous connaissons tous deux l'ignoble
nous ne nous disons jamais rien de tout à fait vrai
 tout à fait faux, à peu de mots,
au passage des trains, un coin à moi, un coin à lui, un bout de pluie,
au bout pendant ce temps là, les paradis gagnent en hiver,
nous ne sommes pas tout à fait devenus sots
pour ignorer la misère  ,les batailles pour survivre,
les abandons, les trahisons,la mort , les chagrins, les impuissances,
les lâchetés, les discours, les façades lisses,
dans nos châteaux la pluie donne ce qu'il faut donner,
parfois nous en avons eu plein les mains, puisque nous y sommes,
de la salive dans un verre ,
un château oui un château où nous dansons avec les mots,
une grande respiration,
des routes volubiles sur une fenêtre qui écume tous les enchantements
toutes les vérités
toutes les hypocrisies
toutes les imbécillités,
une fenêtre achemine toutes les silhouettes dans la nuit,
j'habite une ville sans grand attrait ,
je l'aime  , une ville disent- ils " sinistrée ",
je l'aime , non pas parce qu'elle est sinistrée ,
bien que les autorités s'appliquent à y faire pousser une forêt de grues métalliques
la nuit je pourrais presque les confondre avec de grands oiseaux aux ailes coupées,
le jour la nuit vrai
je vois pousser toutes ces antennes , dans les rues, sur les toits ,
les fumées du net où tout est brouillé,
pour tout dire , pas grand chose,
et pour tout net même sous la forme d'un cafard, je ne reviendrais pas,
un sourire ,
pour tout dire rien n'est jamais aussi sûr que le hasard,
tous les poisons les miens ne riment pas,
grand père me manque
Nise me manque ,
je les pleure ,et cependant tous les deux ils sont là , ils ne reviendront pas ,
je les perds chaque jour
ce que c'est d'aimer grand -père
ce que c'est de vivre ,
un éclaircissement , les étoiles en savent bien assez sur nous ,
n'allons pas les effrayer de nos fadaises,
ce peu dont nous pouvons sourire,
je laisse les hommes " penser ",
je laisse la rumeur courir,
je laisse la rumeur clapoter ,
je laisse les juges suspecter,
je laisse le muguet pourrir,
vous vouliez  , vous ne vouliez pas , vous voilà servi ,
je pourrais presque dire
n'habite pas à l'adresse indiquée,
je pourrais presque dire comment et pourquoi
je pourrais presque dire,
l'enfant, la mort s'est allongée dans son lit ,
je n'habite plus à l'adresse indiquée,
vous voulez appuyer sur les mots , appuyez, je suis partie,
vous voulez les prendre, prenez,
ce monde là est crevé d'incohérence , de bons mots , de têtes à claquer ,
 j'écris , je dis la mort en face dans la sueur du soleil  sur les visages creusés de douleur,
écrire alors attendez vous à toutes les médiocrités du monde y compris les vôtres , les nôtres, y compris les miennes,
je parle de la beauté des femmes
je parle de la beauté des hommes
ce sera selon la médiocrité
de la beauté du monde ,
je sur le papier , je, puisque vous êtes si sûr,
faire semblant d'exister  ? Puisque vous êtes si sûr de vous ,
exister , permettez moi de garder cela pour moi,
voudriez compter les morts avec moi?
Tous ceux que j'ai accompagné, laver, panser, tout le pus, la merde, les crachats ,
ces corps que nous brisons en les touchant d'un regard , à peine effleurés  ils supplient l'immobilité, ils supplient de les aimer , ils supplient  de les abandonner
ces mains qui ouvrent les fenêtres un soir d'été , je leur ai donné mes mains mes doigts ma voix ma bouche
ces abandonnés du monde,
ces alliances oubliées,
ces pieds ces dos rongés de plaies
ces papiers d'arménie que nous brûlons au pied de leur lits,
voulez vous cela?
Aimez -vous les flatulences ?
Est-ce que le monde existe
oui je l'ai vu 
je l'ai tenu
un enfant mort dans mes bras
est-ce que je fus abandonnée dans un silence, oui je le fus , j'ai charmé les serpents , ouvert les greniers,
toutes les têtes à épouiller,
voulez vous les comptes rendus de la morgue, les tables d'autopsie, les rapports conférenciers,
les écorchés, les recroquevillés, les grimaces , les petites farces emplumées, les bons gros à boire de l'eau de javel ,
les idées les valeurs la morale
la fraternité le respect la dignité
voulez vous tout cela ,
la vie comptez la dessus , mangez vous le nombril , baguez vous les chapeaux ,
mais j'ai déjà trop appuyé 
et peut être rien de cela ne fut dit,
 j'ai déjà beaucoup trop tardé ,
nous avons l'algonquin et moi ,
un dîner qui nous attend,
le temps change le vent monte , les alliances sont brisées,
errantes étoiles à l'aube des mémoires ,
dans les rides de leurs mains un baiser de Mozart , une fugue de Bach , les roses de Manet, les jardins de Monet , les poires de Satie,  Debussy les enfants, Ravel les jeux d'eau , les pierres , les fleurs , les oiseaux , les étoiles , la mer , les hommes les femmes ,  les femmes les hommes , Matisse , Cézanne , Bonnard , Paris Venise Rome , les uns invitant les autres , Poésie , Musique  Peinture , des mains de chair d'os d'âme  , musique le sentiment qui me réconcilie avec le monde , seul monde à tant de continents , seul continent à tant d'îles , île seule  pour oiseaux de fratrie ,  seule fratrie qui me réconcilie avec le monde ,  tout ce qui est le monde , nos dérisoires voix , nos pas fleuris dans les jardins d'hiver


mardi 8 mai 2012

Lorsque    j'étais  une enfant de promenade, inquiète des veillées, silencieuse et grave, et d'intérieurs insensés, chanteuse d'opéra sans professeur , je taillais dans le décor ,enfant de couloir, enfant de fenêtre , tout y passait, je voyais passer le monde, des hommes en chapeaux des femmes en manteaux , le cheval , la carriole , ma tête en retrait toute entière dans l'observation.
Je suis arrivée
à l'angle des yeux,
au coeur de la bouche,
dans le cri de la gorge ,
dans la tourmente
abandonnée en silence
les doigts en boule et coups de poing,
les nuits courtes et dures des dortoirs humides et poisseux ,
les trolls tapageurs et capricieux et leurs bonds prodigieux
sur le dos de la montagne bleue,
le sommeil léger , la grande respiration
et ses risées de sueurs d'étoiles ,ventre de pigeons blancs frissonnant,
le vent froid et l'hiver souche de chemin qui arrime ses caravelles
aux barreaux d'acier des lits blancs,
les ogres tapis sous la terre , en secret au fond des trous de taupe,
les loups gris sous le manteau des chênes , muets et invisibles,
les plumes d'indien accrochées à la cime verte des sapins
qui virevoltent, au bout des cordes ,
des pendus de couleur , et cheveux , scalps , tout frais du jour,
les cachettes des chats sous la paille piquante ,
les nids de pluie et de soleil au regard du passant sur les fesses du ciel,
les paniers de rotin tressés, à terre,
à sécher sous la langue de l'été,
les jonquilles tendres , le pétale qui éclate, je bois
la chair de la violette écrasée entre les doigts trop serrés,
le frisson du matin, sous la peau rebelle , la chair de l'aube
et le halo mourant de la lune blême,
le cliquetis du trousseau de clés,
métal au goût amer
qui ouvre la salle du réfectoire,
la vague descendante et sonore de la cavalcade
sur les marches de pierre, marée de pieds , de jambes et bousculades,
le bol de lait caillé immobile et songeur
où nage une baleine près de l'iceberg ensoleillé,
des visages vifs et cruels qui deviennent des ombres,
le jaillissement du Martin-pêcheur d'une tombe endormie , sous les herbes folles, une tortue géante aux écailles de sable, des humus de neige et de mauves tapissant les alcôves de larmes,
et dès que les yeux aveugles s'ouvrent
en dedans et en dehors du monde , la braise le feu ,
des cortèges interminables de mots, ronds , pointus , griffes , cercles,
seuls , pluriels, divisibles, charnus, nus , vêtus de plumes ,
syllabes qu'aucune flèche ne traverse, indivisibles de sagesse et de folie,
indivisibles de l'eau et de la flamme,
le silence et la voix qui s'enroulent à l'arbre, l'humus, aux tapis doux des princesses,
 marche la forêt, celle qui descend l'escalier, la nuit reposoir,
traverse l'immense voûte glacée , se couche sur les hiboux fleurs céruléennes
branches de lanternes pourpres, cité d'aube ,
une arrivée de toujours où ailleurs n'est jamais nulle part,
ailleurs est ici ,
une fenêtre de pierre creusée dans la pierre
la peau de l'herbe sur la langue


l'oreille et la bouche constituées au près de l'arbre
aussi près que le je et le nous s'embrassent
comme on tient la parole levée dans un silence
un silence embrasé
un feu qui ne brûle plus ne brûle pas
n'aveugle plus n'aveugle pas,
éclaire,
relief de lumière, l'ombre est douce, une phrase inachevée
et nous nous voyons en entier, le je des pluriels,
le nous des rires et des pleurs,
de partout les collines en mouvement, avalanche lente,
corps précieux regards courbés de larmes
vigoureux et fiévreux , paisibles les chats s'endorment aux pieds des oiseaux.
Creuser creuser la terre jusqu'au sang
sourire au premier jour de la nuit
la dernière nuit du premier jour
une brèche ouverte à la chair de nos poitrines
le fleuve bat .
Nous sommes vivant
vivant nous sommes et serons , ainsi le temps du lieu.
Les mots sont couchés sur l'herbe
des ruisseaux de rires,
ils sont perdus dans l'herbe
il nous faut les retrouver,
parole , il nous faut la chercher.

lundi 7 mai 2012

La prairie parle avec les pierres
les murtins ouvrent leurs fenêtres,
les épeires brodent les robes de centauréa
sur les haies circulaires les sanguines
bruissantes colorées les abeilles tournent leurs ombrelles,
le lézard en frac aux oeillets bistre de manchettes
 frappe  les trois coups sur le ventre du serpent à sonnette ,
un bouton d'or joue de la trompette ,
un bâton d'anis étire  le mascara aux cils du poisson
un escargot s'est perdu dans le labyrinthe de sa calèche ,
une famille carabes  violons calamistre les bourgeons
le phasme invisible tisse les fils de rosée
dans les cheveux des demoiselles bleues de feu,
sur les marbres d'eaux
le soleil s'égaie d'un doux sentiment

dimanche 6 mai 2012


soufflé le grésillement du couchant
la braise des paupières s'est poudrée
sur la robe ondoyée d'un coquillage violet
la neige palpite métronome lisière