Tiens il pleut

Tiens il pleut
Tiens il pleut

mardi 8 mai 2012

Lorsque    j'étais  une enfant de promenade, inquiète des veillées, silencieuse et grave, et d'intérieurs insensés, chanteuse d'opéra sans professeur , je taillais dans le décor ,enfant de couloir, enfant de fenêtre , tout y passait, je voyais passer le monde, des hommes en chapeaux des femmes en manteaux , le cheval , la carriole , ma tête en retrait toute entière dans l'observation.
Je suis arrivée
à l'angle des yeux,
au coeur de la bouche,
dans le cri de la gorge ,
dans la tourmente
abandonnée en silence
les doigts en boule et coups de poing,
les nuits courtes et dures des dortoirs humides et poisseux ,
les trolls tapageurs et capricieux et leurs bonds prodigieux
sur le dos de la montagne bleue,
le sommeil léger , la grande respiration
et ses risées de sueurs d'étoiles ,ventre de pigeons blancs frissonnant,
le vent froid et l'hiver souche de chemin qui arrime ses caravelles
aux barreaux d'acier des lits blancs,
les ogres tapis sous la terre , en secret au fond des trous de taupe,
les loups gris sous le manteau des chênes , muets et invisibles,
les plumes d'indien accrochées à la cime verte des sapins
qui virevoltent, au bout des cordes ,
des pendus de couleur , et cheveux , scalps , tout frais du jour,
les cachettes des chats sous la paille piquante ,
les nids de pluie et de soleil au regard du passant sur les fesses du ciel,
les paniers de rotin tressés, à terre,
à sécher sous la langue de l'été,
les jonquilles tendres , le pétale qui éclate, je bois
la chair de la violette écrasée entre les doigts trop serrés,
le frisson du matin, sous la peau rebelle , la chair de l'aube
et le halo mourant de la lune blême,
le cliquetis du trousseau de clés,
métal au goût amer
qui ouvre la salle du réfectoire,
la vague descendante et sonore de la cavalcade
sur les marches de pierre, marée de pieds , de jambes et bousculades,
le bol de lait caillé immobile et songeur
où nage une baleine près de l'iceberg ensoleillé,
des visages vifs et cruels qui deviennent des ombres,
le jaillissement du Martin-pêcheur d'une tombe endormie , sous les herbes folles, une tortue géante aux écailles de sable, des humus de neige et de mauves tapissant les alcôves de larmes,
et dès que les yeux aveugles s'ouvrent
en dedans et en dehors du monde , la braise le feu ,
des cortèges interminables de mots, ronds , pointus , griffes , cercles,
seuls , pluriels, divisibles, charnus, nus , vêtus de plumes ,
syllabes qu'aucune flèche ne traverse, indivisibles de sagesse et de folie,
indivisibles de l'eau et de la flamme,
le silence et la voix qui s'enroulent à l'arbre, l'humus, aux tapis doux des princesses,
 marche la forêt, celle qui descend l'escalier, la nuit reposoir,
traverse l'immense voûte glacée , se couche sur les hiboux fleurs céruléennes
branches de lanternes pourpres, cité d'aube ,
une arrivée de toujours où ailleurs n'est jamais nulle part,
ailleurs est ici ,
une fenêtre de pierre creusée dans la pierre
la peau de l'herbe sur la langue

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