Tiens il pleut

Tiens il pleut
Tiens il pleut

vendredi 22 juillet 2011

Je ferais l'effort de tout oublier
tout ce qui fut et tout ce qui aurait pu être ,
je ferais l'effort de ne pas répéter
chaque monde nous clouant le bec obstinément ouvert , des perroquets ,
je ferais l'effort d'une nuit si noire sur laquelle la mort ne pourra rien dire ou écrire
je ferais l'effort d'une aube si blanche que de pâlir autant elle succomberait,
je n'aurais ni fanion, ni couleur ,ni voyage , ni ombre et ni douleur ,
ni sagesse, ni folie, ni colère, ni tempête ,
pas de chagrin ,
pourquoi sommes nous venus
pourquoi sommes nous partis
les choses de si près à un cil,
et nous boirons à la santé de la chienne qui tire sur sa laisse
elle tirerait la langue mais sa langue ne parlera pas ,
 la page blanche elle se la  prendra en pleine tête,
je me tairais en vous voyant sourire,
je me tairais de doute et de tourment
de liesse dans la douceur du soir,
vous pourrez applaudir les tigres , les lions, les chameaux , les lamas,
les ours bruns à moustache, les écuyères, les chevaux , les clowns ,
les trapézistes , les éléphants qui trompent énormément ,
les rois, les bouffons, les marquises , les femmes de chambre,
les cracheurs de feu , les jongleurs , les magiciens,
les parfums lourds, les épices , les bouches,
les tapis de jardin , les odalisques dans la fraîcheur des roses et des bleus,
je me tairais en vous voyant sourire,
vous ne seriez  pas surpris de voir à quel point je suis ordinaire,
vous ne seriez pas surpris à quel point je me suis une langue étrangère.

mercredi 20 juillet 2011

Ce matin
une légère brume sur le canal
le soleil passe sur un poisson de rame
la rame se dépêche
le poisson fait une phrase d'eau et de soleil
la rame se dépêche et  toute voluptueuse d'eau
calme une couleur frappe l'onde et glisse sur la pierre
un poisson pinceau
une rame accent de nageoires
piquant les chardons
rond le nénuphar
grises les baleines
les fanons du ciel tissés de chair et d'écume
un accord de jardin
une ronde de poissons
quatre boutons d'émeraude
une frise sur la rive
Venise sort de l'eau .

dimanche 17 juillet 2011

Comment résister à son enfance
je ne résiste pas , je m'y abandonne avec joie,
comment  résister à cette tentation ,
je ne résiste pas
à l'instant de m'y abandonner
ce mouvement intérieur
chauffé à blanc ,
des images imprévues
une intrusion vive,
tout va si vite comme inaccessible par l'extérieur,
inaccessible , tout un opéra peut chanter la traviata,
je ne l'entends pas ,
une place à l'instant d'écrire, une place libre ,
une précocité à retardement , un éclatement de l'eau qui dort,
puis le temps le temps,
très lentement un long travail de recommencement,
comme issu de longues recherches
où je fronce les sourcils ,
je me vois si bien
que je ne me reconnais pas.
Et toujours ce dérisoire , cette complaisance avec moi même que j'ai toujours peur d'entreprendre ,
d'entretenir ,
comme si aimer était un souvenir.
Un corps intérieur qui s'ouvre se manque et se retrouve,
l'eau et la pierre ensemble au commencement,
comment porter et supporter cela ?
j'avais reçu une lettre
une lettre d'un ami très proche de la famille,
il m'avait connu petite ,
je m'étais toujours trouvée  joyeuse , vive, espiègle ,
et voilà qu'il m'écrivait et me parlait d'enfant grave, silencieuse ,
Nise m'avait dit
dès que tu étais assise sur une chaise
le temps de me retourner et tu avais disparu de l'endroit où l'on t'avait assise, 
et voilà que j'étais et voilà que je n'étais pas.
Un abîme à chaque pas où tout s'envole,
le point en fin de phrase comme le point devant la première,

Carnet de sommeil


                     /   La moissonneuse endormie  /   Marbre 1855 . Louis Veray .
                                                         Musée Calvet .



j'ai dormi
un bon sommeil
de la mie levée dans la croûte
le coeur déroulé paisible
les pieds au jusant
tempes aux vigueurs et bercement de la marée
cheveux au liant de l'océan et de la terre
une jacinthe de lune
une tulipe de soleil
j'ai veillé  au saros
un pan  de vêtement  diurne
un oeil ouvert qui regarde l'autre venir lentement s'éveiller .