Igor au parc , aussi grand que fort, stentor il les a énormes , il peut m'écraser entre ses deux battants de chair , ses mains des battoirs , il roule des bouts de papier de bonbons du bout de ses doigts doucement, comme s'il réveillait des fourmis multicolores endormies, dès la porte franchie , je lui ôte de sa poitrine ce bout de carton tenu par une ficelle où est vilainement inscrit son nom et son prénom , il émet un sifflement bref , un vol expiré , il marche un peu comme un pigeon se dandinant à peine, le cou rentré , mais sa démarche est aisée et ses pas sont sûrs , sa tête ne fait pas de bruit , sa peau souple , c'est lui sur le même banc
Igor du fond de sa poitrine cherche à remonter les mots, il assène l'espace flottant , sa voix terrible un trou noir que le vide entoure , une poche d'air , du fond de sa poitrine à remonter les mots qui grondent et qui caressent la peau du ciel , cerf volant changeant que l'aube ouvrant ses lèvres embrasse le feu noir , le vin frais de ses poumons en flammes
Le soir dans sa chambre , il vérifie si personne n'a dérangé la pyramide de livres qu'il empile au bout de son lit , depuis des années ,du plus grand au plus petit , si rien n'a bougé il grommelle satisfait ,
il attend l'instant , tous les soirs où je lui demande comment coller un timbre poste dans la tête d'une mouche, toute la nuit durant il parle en dormant , ses grosses mains sur le drap , deux faces de lune paisibles sur le lit.
Le lendemain au parc , il attrape toutes les mouches à sa portée sans les écraser, d'une main à l'autre il jongle , dans ses mains refermées une bulle de couleur et d'air , bruissantes les étourdies, il dégage un passage et les dépose dans ma poche , un collier vivant, une nouvelle collection commence , avec précaution nous découpons les papiers de bonbon en minuscules morceaux , un minutieux travail , une main à la poche , l'autre au papier , un point de colle sur la tête noire et ce soir là , elles décollent et s'envolent , des vaisseaux de timbres -mouches ,
c'est aussi le cimetière des oiseaux morts , un jardin à poils ras, un poux sur un chien , parfois le musée des vivants qui flottent dans des habits trop grands , des poussières d'or au lever de la nuit sur l'océan , les étoiles du matin, sur le même banc