Chère Louise ,
Je t'écris de mon enfer et de mon paradis , une marge étroite où j'ai trouvé mon langage ,une langue pleine de sang, je me demande ce que je fais encore là à mes frivolités, la fin et le commencement , une arrivée en mes terres , une arrivée en exil , une vie et mort , un large champ d'oiseaux où il n'y a pas de place pour les tribunes , tout cela était dans ma tête , enfant déjà je le savais sans pouvoir alors poser les mots , je chantais pour toute chose et ne pouvais être tout à fait avec les autres , quelquefois j'ai un peu peur, une inquiétude , j'ai tué Grabuge avec des mots , mais cela était nécessaire, tu le sais, il voyait trop toute chose belle et laide, un chat à devenir folle, cela me vient la nuit , aveugle à devenir , je m'entraîne à ne plus allumer les lampes, je me déplace dans le noir pour ne pas devenir mauvaise et bonne à enfermer .
J'ai mal aux yeux , ils creusent leur tombe , ils s'enfoncent à l'intérieur de ma tête , je n'ai pas de remède , alors je les baigne dans de l'eau de rose , de l'eau de bleuet , cela m'apaise ;
Ecrire m'a isolé , les autres parlent de partage mais ils ne lisent jamais tout à fait, , ils raturent , ils biffent, ils corrigent, ils annotent , ils aiment bien , ils rassemblent ,ils concordent , papillotent, brocardent, les édifices aux bonnes phrases et bonnes âmes, ils se tripotent les esprits pensant avoir de l'esprit , ils ne lisent jamais tout à fait ce qui est écrit , ils préfèrent renoncer en s'accordant un sursis ferraillant dans les références et les aphorismes , en veux-tu en voilà , j'en ai soupé des leçons et des devoirs , maintenant je dîne et je goûte car ce qui écrit est moi et l'autre en moi, écrire isole , je le sais .
L'isolement apprend à se taire , apprend à vivre , une fleur pousse , le jour se lève et le soleil pique une rose au jardin, une incertitude obstinée qui tourne les jours et les nuits dans un délicieux miracle , tourner les pages blanches dans le noir où tout vient et va , les saisons humaines, pleurer et rire , tout cela n'est en rien différend , j'écris le même livre, aimer, obstinément léger , tout est différend , une poussière soulevée sur les chemins de fièvre , des sueurs de pivoines sur le fleuve le soir où nous passons sous les arbres buissonnant d'oiseaux qui ne sauront pas notre nom , une fantaisie .
Je n'ai pas rêvé , je rêve, je n'ai pas aimé , j'aime , je n'ai pas écrit , j'écris , ce soir à ma table Mozart pétille de larmes et je me demande ce que je fais encore à danser les pieds dans le crime , la vie
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