Tiens il pleut

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mercredi 1 janvier 2014

Poème de Robert Ganzo / Lespugue /







                                                              
La Vénus de Lespugue










Lespugue


L’ultime pas, le dernier feu,
tout signe, le chaos l’efface.
Rien que des vents plein de froid bleu
entre des mâchoires de glace.
Dans l’ombre de ton lourd sommeil
parmi les neiges et les pierres,
un premier rêve éclôt, pareil
au gel qui brûle tes paupières.

Ton souffle comme une eau s’élève
vers quel fleuve encore incertain ?
Ouvre les yeux au bout du rêve ;
voici l’aube et le ciel s’éteint.
C’est donc ici ? Faims, soifs, saccages,
tumultes : nous fûmes conduits.
Seules tes mains, comme des cages,
gardent ce qui reste des nuits.

Comme les dents d’une morsure,
te levant quand je me levais,
tu me suivais esclave sûre,
et peut-être, je te suivais,
esclave sans effroi, moi-même.
Ainsi, mornes, indifférents,
accouplés, deux signes errants
dans l’hostilité d’un ciel blême.

Bois immobiles sans poussière ;
lacs noirs où rien n’avait baigné ;
chemins de sang ; haltes de pierre :
au gré du troupeau résigné
nous fûmes conduits. Tout s’efface.
Au bout du rêve ouvre les yeux ;
rien que ton corps chaud et frileux ;
rien que mes yeux de bête lasse.

Le jour. Regarde. Une colline
répand jusqu’à nous des oiseaux,
des arbres en fleurs et des eaux
dans l’herbe verte qui s’incline.
Toi, femme enfin- chair embrasée –
comme moi tendue, arc d’extase,
tu révèles soudain ta grâce
et tes mains soûles de rosée.

Tes yeux appris aux paysages
je les apprends en ce matin
immuable à travers les âges
et sans doute à jamais atteint.
Déjà les mots faits de lumière
se préparent au fond de nous ;
et je sépare tes genoux,
tremblant de tendresse première.

Où finis-tu ? Je t’ai laissée
Dans la chaleur de notre abri ;
mais tu marches dans ma pensée
et me dépasses, comme un cri.
Les loups n’ont pas clameur plus grande
lorsque s’abat celui qui meurt ;
et les vents n’ont pas la rumeur
que je porte ainsi qu’une offrande.

Je te laisse et tu m’accompagnes
jusqu’aux pénombres de ces bois,
dans ces ravins, sur ces montagnes
où se déchirent les nuages ;
et dans mes mains, lorsque je bois,
c’est ton visage que je vois,
le premier de tous les visages
ouvert pour la première fois.

L’ombre monte et tu m’es ravie.
Jusqu’à tes confins poursuivie,
tu t’endors. Et moi, vigilant,
j’écoute l’oiseau te frôlant,
les sources, les bruits de ta vie
venu de son plus lointain gîte,
et le feuillage gris qu’agite
un souffle plein d’appels et lent.

Où finiras-tu ? Quand je retrouve
tes bras qui m’attendent, tes fièvres,
et le mystère de tes lèvres
pareilles à ce feu qui couve ?
Tu souris aux abords du règne
où va ton regard pénétrant ;
et ta force, comme un torrent,
jaillit de ton ventre qui saigne.

Si ma fureur prise à la grappe
de ton corps tranquille et puissant
crie et se mélange à ton sang,
ton visage éloigné m’échappe.
Ta chair immense que j’étreins
riait et pleurait dans ma moelle,
et je trouve, au fond de tes reins,
la chute sans fin d’une étoile.

tout signe, le chaos l’efface.                                                           
Rien que des vents plein de froid bleu
entre des mâchoires de glace.
Dans l’ombre de ton lourd sommeil
parmi les neiges et les pierres,
un premier rêve éclôt, pareil
au gel qui brûle tes paupières.
Ton souffle comme une eau s’élève
vers quel fleuve encore incertain ?
Ouvre les yeux au bout du rêve ;
voici l’aube et le ciel s’éteint.
C’est donc ici ? Faims, soifs, saccages,
tumultes : nous fûmes conduits.
Seules tes mains, comme des cages,
gardent ce qui reste des nuits.
Comme les dents d’une morsure,
te levant quand je me levais,
tu me suivais esclave sûre,
et peut-être, je te suivais,
esclave sans effroi, moi-même.
Ainsi, mornes, indifférents,
accouplés, deux signes errants
dans l’hostilité d’un ciel blême.
Bois immobiles sans poussière ;
lacs noirs où rien n’avait baigné ;
chemins de sang ; haltes de pierre :
au gré du troupeau résigné
nous fûmes conduits. Tout s’efface.
Au bout du rêve ouvre les yeux ;
rien que ton corps chaud et frileux ;
rien que mes yeux de bête lasse.
Le jour. Regarde. Une colline
érpand jusqu’à nous des oiseaux,
des arbres en fleurs et des eaux
dans l’herbe verte qui s’incline.
Toi, femme enfin- chair embrasée –
comme moi tendue, arc d’extase,
tu révèles soudain ta grâce
et tes mains soûles de rosée.
Tes yeux appris aux paysages
je les apprends en ce matin
immuable à travers les âges
et sans doute à jamais atteint.
Déjà les mots faits de lumière
se préparent au fond de nous ;
et je sépare tes genoux,
tremblant de tendresse première.

Où finis-tu ? Je t’ai laissée
Dans la chaleur de notre abri ;
mais tu marches dans ma pensée
et me dépasses, comme un cri.
Les loups n’ont pas clameur plus grande
lorsque s’abat celui qui meurt ;
et les vents n’ont pas la rumeur
que je porte ainsi qu’une offrande.
Je te laisse et tu m’accompagnes
jusqu’aux pénombres de ces bois,
dans ces ravins, sur ces montagnes
où se déchirent les nuages ;
et dans mes mains, lorsque je bois,
c’est ton visage que je vois,
le premier de tous les visages
ouvert pour la première fois.
L’ombre monte et tu m’es ravie.
Jusqu’à tes confins poursuivie,
tu t’endors. Et moi, vigilant,
j’écoute l’oiseau te frôlant,
les sources, les bruits de ta vie
venu de son plus lointain gîte,
et le feuillage gris qu’agite
un souffle plein d’appels et lent.
Où finiras-tu ? Quand je retrouve
tes bras qui m’attendent, tes fièvres,
et le mystère de tes lèvres
pareilles à ce feu qui couve ?
Tu souris aux abords du règne
où va ton regard pénétrant ;
et ta force, comme un torrent,
jaillit de ton ventre qui saigne.
Si ma fureur prise à la grappe
de ton corps tranquille et puissant
crie et se mélange à ton sang,
ton visage éloigné m’échappe.
Ta chair immense que j’étreins
riait et pleurait dans ma moelle,
et je trouve, au fond de tes reins,
la chute sans fin d’une étoile.
Où finiras-tu ? La terre oscille ;
et toi, dans le fracas des monts,
déjà tu renais des limons,
un serpent rouge à la cheville ;
femme, out en essors et courbes
et tièdes aboutissements,
lumière, et nacre ombres et tourbes
faites de quels enlisements ?

Vals que l’été gorge de sève,
je vois tes seins s’épanouir
et parfois ton ventre frémir
comme un sol chaud qui se soulève.
Tu m’apaises et je m’étonne
de ces pouvoirs que tu détiens ;
et je sais, femme, qu’ils sont tiens
les miracles roux de l’automne.
Ta voix chante les longs passages
de nos frères multipliés
aux horizons, et leurs messages
noués au tronc des peupliers ;
les noirs charniers des jours torrides
les faims, les soifs insatiables
et le rire égrené des sables
déchirants des poitrines vides ;
les griffes, l’empreinte des dents,
les flammes vacillantes dans
la nuit des plaines infinies, la sèche attente des momies,
le dur et blanc dédain des os,
l’ordre frappé sur la peau morte
roulant aux ailes des échos,
et tout ce que la terre porte.
Et chante aussi que tu m’es due
comme mes yeux, mes désarrois,
et des cinq doigts d’ocre aux parois
de la roche où ta voix s’est tue.
Le silence t’a dévêtue,
- chemin d’un seul geste frayé –
et mon orgueil émerveillé
tourne autour d’une femme nue.
Première et fauve quiétude
où je bois tes frissons secrets
pour connaître la saveur rude
des océans et des forêts qui t’ont faite, toi, provisoire,
île de chair, caresse d’aile,
toi, ma compagne, que je mêle
au jour continue de l’ivoire.
Ton torse lentement se cambre
et ton destin s’est accompli.
Tu seras aux veilleuses d’ambre
de notre asile enseveli,
vivante après nos corps épars,
comme une présence enfermée,
quand nous aurons rendu nos parts,
de brise, d’onde et de fumée.



Robert Ganzo  /  Poète vénézuélien d'expression française  /  1898 - 1995

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