Tiens il pleut

Tiens il pleut
Tiens il pleut

jeudi 14 juillet 2011

l'école au platane






Bien assis sur la chaise
le pupitre à bretelles
le nez piquant la copie de lunettes grises,
le grand monsieur Coupeau
fait fermer les livres ,
je suis souvent partie
ouvrant la grille derrière les marronniers en suie d'hiver,
la clé ces ciseaux d'argent qui trafiquaient la serrure ,
la rue avait ce bondissant de petits pois frais ,
les vitrines aux vieux lustres allumés sur les bocaux de friandises,
grand platane moignons  aux joues rosées enfantines
et dans l'air ce pincement de fraîcheur
où s'engouffraient les marchandes de fleurs,
je grimpais chaparder les nuages ogres de fumée blanche sur les laminoirs des usines,
je suis souvent partie et le soir
les façades se taisaient d'un arbre toujours vert ,
le patron du bistrot d'en face sortait les chaises au parc des ombrelles et des parapluies,
la lumière douce et folle enlaçait volage les robes de givre  et les vestons de roses ,
le soir parc aux dentelles de pierre si fines que je croyais du bois,
lisses que je ne  sentais pas sous les doigts le temps là ,
le chat dormait sous les bosquets de réglisse
les enfants jouaient à la toupie,
je buvais les fonds de verre au vin chaud de cannelle
et les danseurs en bleu de chauffe riaient bouche ouverte au ciel de nuit venue
sur un bout de branche d'étoile ,
un brin d'herbe dans la bouche
qu'ils crachaient sur le trottoir pour embrasser leurs belles  .

Pince mi pince moi, en balade, regarde tu vois ce que je vois , une étournelle avec deux guiboles de fil de fer , elle descend la rue en sautillant , c'est l'heure des godillots et des gamelles en émail  un peu craquelées sur les bords.
Les lippes se dessoudent, l'oeil du gros costaud appuyé au zinc frise gouailleur , il se retourne , nous regarde , éclate d'un énorme rire et nous dit "qu'est ce que vous faites là les deux pinsons ? " Un p'tit thorez pour la drôlesse ?
Au petit bistrot du coin, à la proue du bateau , les godillots couverts de poussière, , les yeux au ras du flipper , le bruit des verres qui s'entrechoquent, les sillons des lanternes qui envahissent le trottoir et la fumée bleue qui sort des narines des fenêtres,les mains râpées de paille de fer, les yeux aiguisés de limaille,les nez piquent dans les verres ,les nénuphars vin clair, ballons de robes et de cerceaux, derrière les gonds de la porte de bois vermoulu la rue file sur les pavés disjoints, les cartables gonflés de nattes, de mains, de plumes, de chaises cirées ,  des nénuphars aux chapeaux blancs, les sacoches s'ouvrent sur la nappe du soir.

Le vieux fort gris transpire, des sueurs d'été mouillant  le  mur lézardé  du dormeur de lune , la mer de lumière perle sur les sabots roux des ormeaux, le fer fond .
Les feuilles du lilas en cochenille mauve ondulent au jardin, d'ombre mon nez se fronce, je sens la suie du crépuscule sur le front de la ville l'embrasser de ses monts.
Les oiseaux  sont au parc désert  , ils tracent les voies marines plumes fines d'or sur la chaussée , et c'est la plaine , l'infinie plaine de la mer où paissent les blés , la mort nous frôle, la houle des morts que la mort   ne tient pas , ne tient plus.
La porte du jardin crisse et les pierres sous les pieds piquent vifs le retour, l'après souper de brune, bouche rouge sur la claire nuit, bouche rouge où la mort s'engouffre , son pouvoir abattu par l'élan de son poids, fourmi noire sous une pierre noire dans la nuit noire bouche d'aube et d'or , elle ne nous trouvera pas , nous ne serons pas à l'heure dite, nous serons en retard , nous serons en avance et nous nous arrêterons, je suis souvent partie, dans toutes ces mains brisées elle ne nous reconnaîtra pas , pour elle nous ne serons rien, un cil dans l'oeil  tout près du malheur.

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